Appelé Voûte du Malpas ou encore Grotte du Malpas, le tunnel du Malpas est creusé sous le col du Malpas. Ainsi, la montagne à percer avait 13 toises de haut (25 mètres) et 367 toises de large (715 mètres). De chaque côté du futur tunnel, Riquet fit abattre la montagne sur une longueur de 140 toises (272 mètres) et une profondeur de 45 à 50 pieds (14 à 16 mètres). Ces mesures, ainsi que celles du tunnel, sont données par Matthieu de Mourgues, dans l’ouvrage « Relation de la seconde navigation solennelle du Canal Royal…, 1683 »

Rappelons-nous qu’aux XVIIème et XVIIIème siècles, les mesures de longueur s’exprimaient en toises et en pieds. En théorie, la toise vaut 1 mètre 949 et le pied 33 centimètres.

Pour la première fois dans l’Histoire, on fait passer un canal navigable sous une « montagne », d’où l’étonnement émerveillé des contemporains d’autant plus accentué qu’il s’agit du seul et unique tunnel du Canal du Midi.  Sa construction se situe entre l’automne 1679 et l’année 1680.

Riquet, arrivé devant la montagne du Malpas, au pied de l’Oppidum d’Ensérune, se retrouve en grande difficulté. Elle est formée d’un tuf (appelé tap aux XVIIème et XVIIIème siècles) sablonneux. Un sol très dur cachait une montagne de grès très friable, sujette aux éboulements. Colbert, l’un des principaux ministres de Louis XIV, est Contrôleur général des finances, secrétaire d'État de la Maison du roi et secrétaire d'État de la Marine est alerté par un courrier dans lequel les contemporains de Riquet l’accusaient d’avoir la tête de son canal dans une montagne de sable. Colbert fait interrompre les travaux, le projet est menacé.  Riquet va perdre son pari car son choix de préférer percer cette « montagne du Malpas » plutôt que de suivre les conseils du chevalier de Clerville, architecte de Louis XIV, qui proposait de traverser l'Aude. Colbert annonce la visite des commissaires royaux pour décider de l'avenir du tracé du canal. Mais Riquet est tenace : il veut faire passer son canal dans sa ville natale, Béziers. Il faut donc percer.

Entouré de ses ingénieurs, il prend conseil auprès du maître-maçon « Pascal » de Nissan, qui entretient le tunnel d’assèchement de l’étang de Montady, et décide de continuer en secret les travaux, malgré les risques d'effondrements. Un tunnel d'essai est creusé. A l’arrivée des émissaires envoyés par Colbert et de l'intendant Aguesseau il arrive à le persuader de le laisser continuer les travaux. C’est le dernier grand chantier réalisé par le génial Pierre-Paul Riquet. Il meurt quelques mois après la réalisation.

Sous le tunnel du Malpas

La longueur de 85 toises (165 m), la largeur de 5 toises (9 m) et la hauteur de 4, 5 toises (8 m) sont impressionnantes pour l’époque. Une banquette de 3 pieds de large (1 m) longe le tunnel sur toute sa longueur. Elle servait au hallage des barques. Riquet avait construit la même en face qu’on a supprimée très tôt pour faire passer des barques d’un gabarit plus important, notamment pour le transport des foudres sur les barges.

A l’époque de Riquet, le tunnel n’était pas voûté. Il le fut plus tard, vers 1700. Cependant, côté Capestang, 48 à 50 m restent aujourd’hui encore sans voûte où l’on peut voir la roche à l’état brut. Des alvéoles, dont les plus profondes mesurent 60 cm, furent crées par l’humidité et l’érosion en trois siècles. Ce tuf n’est donc pas une roche aussi tendre qu’on veut bien le dire.

A l’endroit où commence la voûte en pierre, une ouverture permet de circuler entre la voûte et la montagne (intervalle de 2 m) pour l’entretien de l’ouvrage. Une légende raconte qu’au XIXème siècle, un pieux ermite vivait là et que pour se nourrir, il lui suffisait de descendre un panier au bout d’une corde au passage des barques.

En parlant du tunnel du Malpas,  Jacques Morand dans « Le Canal du Midi et Pierre-Paul Riquet », en 1997 le dit : «  Très en avance sur son temps, Riquet vient de créer un ouvrage très moderne unique à l’époque. Il faudra attendre le XIXème siècle et les Chemins de fer pour voir exécuter des percées de ce genre ».