Nous sommes au milieu du XIIIème siècle, au bord d’un lac rempli d’eau stagnante qui « porte la maladie et la mort », une cuvette sans écoulement naturel, qui reçoit l'eau d'un bassin versant, beaucoup plus vaste que lui et d'environ 2 000 hectares. L’endroit est insalubre et porteur de maladie. Les quatre propriétaires de l’époque décident alors de l’assécher...
Guillaume Raymond, Seigneur de Colombiers, Armingaud de Poilhes, Béranger d’Alzone et Bernard Scot gagnent ainsi environ 430 hectares de terres cultivables. Car il ne faut pas oublier qu’à cette époque, les bouches à nourrir sont de plus en plus nombreuses !
Mais il faut l’autorisation de l’Archevêque de Narbonne, Seigneur de Nissan qui est « Seigneur et Maître de toutes les eaux de son diocèse ». Le 13 février 1247, une charte en latin concède le droit aux quatre propriétaires d’effectuer les travaux. Ils sont réalisés de 1250 à 1270 : fossés de drainage, puits et aqueduc et souterrain de 1 364 mètres excavé sous la « montagne du Malpas » (50 mètres d’altitude), ce qui permet d’évacuer les eaux.
Le travail est remarquable ! Le visiteur s’en aperçoit en admirant ce paysage agraire d’exception en forme d’étoiles, de roue ou encore de soleil voire de cœur, selon sa perception. Et c’est depuis la Tour de Montady ou de l’Oppidum d’Ensérune que la vue est unique. 60 fossés, d’une longueur totale de 80 kilomètres, se rejoignent vers le Redondel, fossé circulaire au centre de l’étang. Chaque drain délimite une parcelle que l’on appelle une pointe.
On peut distinguer aisément les principaux canaux de drainage qui sont au nombre de 3 : les grandes Maïres. Celle qui est située dans l’axe de la Tour de Montady, se prolonge jusqu’à l’entrée du tunnel d’évacuation des eaux, sous la colline du Malpas. Cette grande maïre est creusée à contre-pente. Elle part du collecteur central de l’étang, à la cote 20 et arrive à la cote 18, à l’entrée de l’aqueduc. L'eau circule ainsi en pente douce et est évacuée vers les étangs de Poilhes et Capestang.
C’est à partir de 1886, que l’on peut alimenter l’étang de Montady par l’eau du Canal du Midi avec le « Canal de submersion du Malpas » surnommé le « Canalet » par les habitants. Ce double réseau (réseau périphérique) d’irrigation et de submersion gravitaire complète le réseau d’assèchement. De nouveaux fossés, alimentés par l’eau du Canal du Midi, vont permettre ainsi de noyer l’étang, parcelle après parcelle. « La crise du phylloxéra à la fin du XIXème siècle, décide de la vocation viticole de l’étang de Montady. Grâce à l’eau du Canal du Midi, deux objectifs sont atteints : parfaire l’assainissement des sols salés, et protéger le vignoble contre les atteintes du parasite du phylloxéra, en inondant les terres. »
En 1964, on installe un autre réseau d’arrosage, qui permet l’irrigation des nouvelles cultures par aspersion ou goutte à goutte.
Dès l’origine, l’étang est géré par l’ensemble des copropriétaires. On peut parler d’une véritable association syndicale qui prendra successivement les noms d’Association Syndicale Libre, d’Association Syndicale Autorisée (A.S.A.), puis d’Association Syndicale du Dessèchement de l’Etang de Montady.
Le tunnel d’évacuation des eaux de l’étang :
L’Archevêque autorise également l’évacuation des eaux, qui viennent de l’étang de Montady, sur ses terres qu’il possède à Nissan, Poilhes et Capestang, « à condition que les eaux ne causent aucun préjudice ».
Et c’est ainsi que l’on peut creuser le tunnel d’évacuation des eaux. Ce fut un véritable défi ! Le procédé qui a été utilisé, serait celui des qanats, construction connue en Perse (Iran actuel) dès 500 avant J.C. Un qanat est constitué d'un ensemble de puits verticaux, qui permettent l’accès et l’aération, reliés à une galerie de drainage construite légèrement en pente afin que l’eau soit acheminée.
17 cheminées sont creusées et permettent de retirer les terres et de curer la galerie. Elles servent aussi de repères à une époque où la boussole n’existait pas encore en Occident. La plupart de ces cheminées sont aujourd’hui bouchées. La longueur de la galerie est 1 364 mètres, sa largeur de 1,30 m en moyenne avec des passages beaucoup plus étroits et sa hauteur d’environ 2 m avec des endroits où il faut baisser la tête. Son tracé est sinueux et irrégulier. Il débute près de ligne de Chemin de Fer, à l’entrée du tunnel S.N.C.F. côté Colombiers et sort sur la commune de Nissan à un endroit appelé « les traoucats ». Un ruisseau conduit l’eau jusqu’à l’ancien étang de Poilhes puis à celui de Capestang et se jette enfin dans l’Aude.
Le tunnel d’évacuation des eaux de l’étang de Montady est construit à une profondeur de 29 m 50 au-dessous du col du Malpas et 16 mètres au-dessous du Canal du Midi.
Huit siècles après sa construction, l’écoulement existe toujours. Et si cela ne fonctionnait pas, l’étang de Montady serait rempli d’eau et engendrerait, à nouveau, un problème de salubrité.
L’Office de Tourisme, la Maison du Malpas, à quelques mètres, vous donnera de plus amples informations.