C’est au XVIIème siècle, sous le règne de Louis XIV, que le « Canal Royal du Languedoc » fut inventé, créé et construit par Pierre Paul Riquet. Le Roi Soleil ne manque pas de se glorifier de cet ouvrage d’envergure et Colbert, lui, considère le Canal comme un moyen de « commercer au service de la grandeur de la France »... Retour sur la formidable histoire de cette œuvre de génie !

1609 – 1667
PIERRE-PAUL RIQUET : GÉNIAL INVENTEUR DU « CANAL DES DEUX MERS »
Pierre-Paul Riquet, baron de Bonrepos, né en 1609 à Béziers dans la province de Languedoc (aujourd'hui Occitanie) et mort le 1er octobre 1680 à Toulouse, est un fermier général des gabelles et entrepreneur. Rapidement il se lance dans le projet fou de construire une voie d’eau reliant l’Atlantique à la Méditerranée.
En 1633, Pierre-Paul Riquet a 24 ans. Déjà, il s’intéresse au débat sur la création d’un canal à travers le Languedoc. L’idée de joindre la mer Océane à la mer Méditerranée fait son chemin et c’est de son château de Bonrepos que Riquet se décide à écrire au Ministre Colbert pour lui présenter son projet : « Je vous écris de ce village (Bonrepos), sur le sujet d’un Canal qui pourroit se faire dans cette province de Languedoc pour la communication des deux mers. Vous vous étonnerez que j’entreprenne de parler d’une chose qu’apparemment je ne connois pas, et qu’un homme de gabelle se mêle de nivelage. Mais vous excuserez mon entreprise lorsque vous saurez que c’est de l’ordre de Monseigneur de Toulouse que je vous écris….. »
Le projet séduit le Roi, flatte sa personnalité et convainc Colbert, alors à la tête de tous les grands ministères en charge de l'administration et de l'économie du royaume. Le canal verra le jour mais les fonds seront ceux du Sieur Riquet ! En 1666, Louis XIV signe « l’Edit de construction pour le canal des mers Océane et Méditerranée ». Les travaux débutent en novembre 1667 et dureront 15 ans.
Photo : Statut de Pierre-Paul Riquet à Béziers


1667 – 1681
LE TEMPS DE LA CONSTRUCTION
L’inventeur est un génie. Pendant 5 ans, entouré d'experts, il étudie la possibilité de mettre en eau le canal avant de débuter les travaux... car la plus importante difficulté est bien de trouver l’eau ! Il la trouvera dans la Montagne Noire...
En 1669, Pierre-Paul Riquet devient adjudicataire des travaux du canal de Trèbes à l’étang de Thau ainsi que de la construction du port de Cette (Sète). Les chantiers vont vite et on peut compter jusqu’à 8 000 ouvrières et ouvriers à la tâche. Et ils sont choyés par l’entrepreneur : ils reçoivent leur solde lorsqu’ils sont malades et sont payés le dimanche, jour de repos.
En 1672 la section entre Toulouse et Naurouze est mise en eau et un an après les excavations du canal, de l’étang de Thau jusqu’à Béziers, sont terminées. Les ouvrages d’art peuvent ainsi être construits.
1678 est l’année du début de la construction de l’écluse à huit bassins de Fonséranes, à Béziers, probablement l’ouvrage le plus majestueux du canal du Midi. À la fin de l’année qui suit, démarre le dernier grand chantier conduit par Pierre-Paul Riquet : le tunnel du Malpas qui sera terminé l’été 1680. Mais cet été-là, Riquet tombe gravement malade. Il meurt le 1er octobre 1680 à Toulouse et est inhumé le lendemain en la Cathédrale Saint-Etienne. Il ne verra pas son canal en eau qui le fut entre le 15 et le 25 mai 1681. Son fils aîné, Jean-Mathias Riquet poursuit les travaux.
Illustration : Inauguration du Canal du Midi en 1681


FIN XVIIÈME - FIN XVIIIÈME
UN SIÈCLE DE FASTE MARQUÉ PAR LA CONSTRUCTION DE NOMBREUX OUVRAGES D’AMÉLIORATION
Les inspections de 1683 et 1684 vont satisfaire les représentants du Roi. Néanmoins le canal s’ensable rapidement et les héritiers de Riquet croulent sous les dettes car les taxes perçues ne comblent pas les charges d’entretien.
C’est en 1686 que Vauban intervient sur ordre de Louis XIV. Il préconise la construction d’ouvrages afin de limiter le problème. Entre 1687 et 1694 sont réalisés, sous la direction d’Antoine de Niquet, 48 aqueducs et pont-canal, des creusements de contre-fossés. Le système d’alimentation en eau est renforcé et la digue de Saint-Ferréol - principal bassin d’alimentation du canal - est rehaussée ; ce qui porte la capacité à 6.3 millions de m3.
En 1694, on considère le Canal Royal comme terminé. 12 000 femmes et hommes ont travaillé à l’élaboration de ce remarquable projet mais le coût total de 17 millions de livres (valeur contemporaine ≈ 325 000 000 €) va amener les héritiers Riquet à vendre temporairement des parts de la propriété du canal, qu’ils pourront racheter en 1724 et ainsi conserver leur entière maitrise du Canal.
Les ouvertures du canal de Jonction et du canal de la Robine interviennent entre 1777 et 1782 et la construction de la « déviation » du canal à Carcassonne entre 1789 et 1810.
Un programme de plantations d’arbres, principalement des mûriers, est institué entre 1725 et 1730. En 1765, ce sont des peupliers, essence privilégiée, qui sont les plus représentés.
Illustration : Croquis du fonctionnement des écluses de Fonseranes


PREMIÈRE MOITIÉ DU XIXÈME SIÈCLE
L’ACHÈVEMENT DU CANAL DES DEUX MERS JUSQU’À L’OCÉAN ATLANTIQUE
La période trouble de la Révolution Française conduira à la confiscation des biens appartenant aux descendants de Riquet. Le motif est simple : ils appartiennent à la noblesse. Le Canal devient une régie des domaines et c’est à cette époque qu’il prend le nom de « canal du Midi ». Mais son état devient préoccupant par manque d’entretien et on craint le pire. La Cie du Midi est alors créée et Napoléon cède les parts de l’Etat à cet organisme. L’avenir du canal du Midi semble reprendre des couleurs.
Dans cette première partie du XIXème siècle, trois projets rendant hommage au génie de Riquet verront le jour. C’est celui de 1825, instauré par la famille, qui est choisi pour honorer le génial créateur du canal du Midi : l’obélisque de Naurouze (dans l’Aude), point culminant du canal du Midi (189 mètres).
Cette période verra aussi la construction du canal latéral à la Garonne, reliant Toulouse à Castets-en-Dorthe (Gironde) près de Bordeaux, prolongement du canal du Midi, qui relie Toulouse à la Méditerranée. L'ensemble forme le canal des Deux-Mers entre la Méditerranée et l'Océan Atlantique. Il fut inauguré en 1856.
Illustration : Personnification de la jonction des deux mers - Galerie des Glaces, Versailles


XIXème SIÈCLE
LA RUDE CONCURRENCE DU CHEMIN DE FER
Des ouvrages tels que ceux du Libron et le pont canal à Béziers sont construits entre 1854 et 1857 et c’est en juillet 1858 que la Cie des Chemins de Fer du Midi prend la totalité de la gestion du canal du Midi. Son but est clair : « se débarrasser » d’un concurrent. C’est donc dans un climat de méfiance que les actionnaires de la Cie du Midi sont dans l’obligation de céder la gestion de l’ouvrage à la Cie de Chemins de Fer du Midi, sous forme d’affermage et pour une durée de 40 ans. Assez logiquement, le transport de marchandises et de voyageurs se fera désormais par le train et non plus sur le canal du Midi.
Durant cette période (de 1850 à 1880) se profile une grande phase de renouvellement des plantations avec l’arrivée des platanes le long de la voie d’eau.
En 1897, une loi permet à l’Etat de racheter le canal pour 40 millions de francs (équivalent actuel d’environ 95 millions d’euros).
Félix Faure, Président de la République Française, donne à l’Etat, par l’intermédiaire du Service des Canaux du Midi, la possibilité d’assumer la gestion du réseau. Et surtout un évènement extrêmement important intervient : la suppression du péage. La circulation libre et gratuite des bateaux est possible.
Illustration : La ligne de chemin de fer du Midi, de Bordeaux à Cette (Sète)


XXÈME SIÈCLE
L’OUVERTURE AU TOURISME FLUVIAL, VNF ET L’UNESCO...
Un siècle plus tard, en 1991, c’est la création de l’établissement public Voies Navigables de France (VNF) qui prend la charge de l’exploitation, de l’entretien et de la valorisation de la majeure partie du réseau national pour un total d’environ 6 700 kilomètres.
Au XXème siècle, intervient une série de classement au titre des Monuments Historiques. Mais celui de l’UNESCO reste le plus connu mondialement car il est la reconnaissance de la qualité exceptionnelle de l’ouvrage et de sa valeur universelle. Le canal du Midi est inscrit sur la prestigieuse liste du Patrimoine Mondial de l’Humanité, le 7 décembre 1996. L’Etat français, quant à lui, inscrit ses canaux au titre des Sites de France, protégés par la loi de 1930.
Photo : Plaisance sur le Canal du Midi

Depuis sa création, le canal du Midi a donc connu des phases très prospères comme des périodes plus troubles, enclines aux doutes et aux inquiétudes quant à son avenir… Mais face à la splendeur de l’ouvrage et de ses paysages, le devoir de protection est indéniable et les volontés bien présentes. La démarche de labellisation Grand Site de France - en cours entre Capestang et Béziers - en est un exemple, tout comme le processus de rédaction d’un plan de gestion global entrepris par les services de l’Etat…
Car l’enjeu est grand : il s’agit de préserver une part importante de notre histoire et de notre patrimoine pour qu’il continue d’être un lieu de vie, de rencontres, d’échanges… et d’émerveillement !